En matière de coopération, il convient tout d’abord de distinguer :
- l’obligation de coopérer avec la Cellule de Renseignement Financier (CRF), les autorités et les organismes d’auto-régulation comme l’IRE dans le cadre de la LBC/FT en vertu de l’article 5 de la loi du 12 novembre 2004
- l’obligation d’information du Ministre des Finances dans le cadre de la mise en œuvre de mesures restrictives en matière financières, telles que prévues par la loi du 19 décembre 2020, et des autres sanctions financières résultant de règlements européens, résolutions des Nations Unies ou de règlements grand-ducaux. Pour plus de détails concernant ces obligations, le lecteur est invité à consulter la page internet de l'IRE à cet effet (cliquez ici).
a) Présentation
La lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme (« LBC/FT ») est prise en charge par la Cellule de renseignement financier (CRF) du parquet économique et financier de Luxembourg. La cellule a pour fonction :
- de recevoir les déclarations de soupçon de blanchiment d'argent et/ou de financement du terrorisme des professionnels soumis à la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT, ou effectuées en application de l’article 23(3) du code d’instruction criminelle
- de les analyser
- de les utiliser le cas échéant dans des enquêtes ou poursuites pénales
Dans le cadre de l’analyse des déclarations de soupçon, la CRF coopère avec ses homologues étrangers conformément à la législation.
La CRF utilise le programme goAML pour recevoir toutes les déclarations d'opérations suspectes en application de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à LBC/FT.
Elle publie également :
- des circulaires et/ou lignes directrices à l'attention des professionnels visés par la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à LBC/FT (pour plus de détails, voir section « Textes légaux et réglementaires » ci-dessous) ;
- des rapports périodiques constituant un retour global d'information et comprenant des statistiques, des typologies et des indications sur ses activités.
Pour de plus amples renseignements, veuillez-vous rendre sur le site internet de la CRF (cliquez ici).
b) Aspects pratiques de la coopération avec la CRF
Les réviseurs d’entreprises (agréés), les cabinets de révision (agréés), leurs dirigeants et employés sont tenus de coopérer pleinement avec les autorités luxembourgeoises responsables de la LBC/FT et l’IRE. Ils sont désignés ci-après par "réviseur(s) d'entreprises".
Il est entendu que la transmission des informations à la CRF doit être faite par le réviseur d’entreprises lorsqu’il sait, soupçonne ou a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un blanchiment, une infraction sous-jacente associée ou un financement du terrorisme est en cours, a eu lieu ou a été tentée. La législation ne prévoit pas que le réviseur d’entreprises procède à une analyse approfondie des faits qui semblent douteux, ni à une qualification pénale de ces faits qui, elle, est réservée aux autorités judiciaires.
Le réviseur d’entreprises doit déclarer toutes les opérations suspectes, y compris les tentatives d’opérations suspectes, quel que soit leur montant. Le soupçon d’un blanchiment, d’une infraction sous-jacente associée ou d’un financement du terrorisme s’apprécie non seulement eu égard à la nature d’une transaction mais aussi en référence aux circonstances qui entourent la transaction et à la qualité des personnes impliquées.
L’examen d’une opération par rapport à la qualité des personnes impliquées peut notamment couvrir le cas de personnes politiquement exposés (PEP), de personnes figurant sur une liste de sanctions ou ayant des antécédents judiciaires, de personnes en provenance de pays à haut risque ou de personnes morales ou de constructions juridiques établies dans une juridiction qui n’est pas sujette au reporting AEOI / CRS / FATCA dès lors que ces entités n’ont pas de réalité économique, patrimoniale ou autre.
L’attention des réviseurs d’entreprises est attirée sur le fait que l’obligation de déclaration des soupçons d’ « infraction sous-jacente associée » vise, selon la définition donnée par la législation nationale, « toutes les infractions visées à l’article 506-1, point I ), du Code pénal et à l’article 8, paragraphe I, lettre a) et b), de la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie » , indépendamment du fait que ladite infraction soit ou non en relation avec des fonds, quel que soit le montant concerné, provenant d'une activité criminelle ou liés au financement du terrorisme.
En cas de déclaration de soupçon, avant l’exécution de toute transaction ou opération y relative, le réviseur d’entreprises doit se référer aux dispositions de l’article 5, paragraphe 3 de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT qui précise les obligations et les modalités d’information et de communication préalables avec la CRF à ce sujet.
a) En quoi consiste une opération suspecte ?
Pour la définition d’une opération suspecte, il convient de se référer aux lignes directrices émises par la CRF en la matière (cliquez ici).
b) Comment s’inscrire sur goAML Web ?
La CRF utilise le programme goAML pour recevoir toutes les déclarations d'opérations suspectes en application de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT. Le dépôt des déclarations, de même que la communication avec la CRF se fait de façon entièrement électronique.
La norme professionnelle NP2023-35 précise à cet effet que le réviseur d’entreprises doit veiller à être enregistré au programme goAML susmentionné.
Pour en savoir plus sur l’inscription en tant que déclarant, veuillez consulter le lien suivant : https://justice.public.lu/fr/organisation-justice/crf/goaml.html.
c) Est-il nécessaire de désigner une personne responsable de la coopération avec la CRF ?
Une fois inscrit en tant que déclarant, le réviseur d’entreprises doit désigner une ou plusieurs personnes habilitées à coopérer avec la CRF et les rattacher à son compte goAML Web.
Pour en savoir plus sur l’inscription d’un responsable de la conformité, veuillez consulter le site de la CRF (cliquez ici).
d) Comment enregistrer une déclaration ?
Lorsque le réviseur d’entreprises est inscrit sur goAML Web, il peut enregistrer ses déclarations de soupçon. Pour ce faire, il a le choix entre une déclaration en ligne ou le téléchargement de fichiers XML.
Pour en savoir plus sur les déclarations, il convient de se référer au site de la CRF https://justice.public.lu/fr/organisation-justice/crf/goaml.html.
e) Comment répondre à une demande d’information de la CRF ?
Même si le réviseur d’entreprises n’a pas fait de déclaration, la CRF est en droit de lui demander des informations. Celui-ci doit répondre, sans délai, à une demande d’information de la CRF en utilisant les formulaires « retour d’information », avec ou sans transactions, disponibles sur goAML Web. Il peut les remplir en ligne ou télécharger un XML (voir section d) ci-dessus).
Suivant la complexité et l’étendue des recherches, il devra répondre à toute demande d’information de la CRF endéans la quinzaine. Toutefois, si une demande d’information est qualifiée de « très urgente », notamment en matière de financement du terrorisme, il devra y répondre endéans les 24 heures. Une demande d’information qualifiée d’« urgente » devrait être traitée dans la semaine.
f) Quels sont les droits et obligations du déclarant ?
Interdiction de communication (« tipping-off »)
Le réviseur d’entreprise ne doit, en aucun cas, révéler à quiconque, y compris à son client, que des informations sont communiquées ou fournies à la CRF ou à toute autre autorité compétente en matière de LBC/FT (Art. 5(5) de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT).
Ainsi, il ne doit pas révéler, sous peine de sanctions pénales, l’existence d’une déclaration de soupçon en matière de blanchiment ou de financement du terrorisme à la CRF ou d’une demande d’information de la CRF.
A moins d’y être expressément autorisé par la CRF, il n’est pas autorisé de faire état, à l’égard du client, d’une instruction de blocage de la CRF. Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas à une divulgation aux autorités de surveillance (Commissariat aux assurances, Commission de surveillance du secteur financier, Administration de l’enregistrement et des accises) ou aux organismes d’autorégulation respectifs des professionnels soumis (Chambre des notaires, Institut des réviseurs d’entreprise, Ordre des avocats, Ordre des experts comptables).
Des exceptions sous condition sont également prévues dans la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT, notamment pour les réviseurs d’entreprises, experts-comptables, notaires, avocats, conseillers fiscaux et économiques, situés sur le territoire des Etats membres ou de pays tiers qui imposent des obligations équivalentes à la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT et qui exercent leurs activités professionnelles dans la même entité juridique ou le même réseau, - les établissements de crédit, les établissements financiers, les réviseurs d’entreprises, experts-comptables, notaires, avocats, conseillers fiscaux et économiques, dans les cas concernant le même client et la même transaction faisant intervenir au moins deux professionnels, à condition qu’ils soient situés sur le territoire des Etats membres ou de pays tiers qui imposent des obligations équivalentes à la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT, etc.
Sort de la relation d’affaires
Aucune disposition de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT n’exige la rupture de la relation d’affaires avec le client si le réviseur d’entreprises a fait ou compte faire une déclaration d’opérations suspectes. Cette décision lui appartient seul. Bien entendu, il a le droit de communiquer avec son client dans le cadre de la relation d’affaires normale, mais il ne doit pas mentionner d’aucune façon l’existence d’une déclaration d’opérations suspectes ou d’une demande d’information de la CRF.
Immunité
Aucune procédure civile, criminelle ou administrative ne peut être introduite contre le réviseur d’entreprises s’il a fait de bonne foi une déclaration de soupçon aux autorités luxembourgeoises responsables de la LBC/FT. Les déclarations, informations ou pièces qu’il a fournies à la CRF ne peuvent pas être utilisées contre lui dans le cadre de poursuites pour manquement aux obligations professionnelles.
Il est à noter que cette immunité ne s’applique pas lorsque le réviseur d’entreprises répond directement à une sollicitation d’une autorité étrangère, même si celle-ci a des attributions en matière de LBC/FT. Face à une telle sollicitation, les lignes directrices de la CRF mentionnent qu’il est recommandé au professionnel d’en aviser la CRF moyennant une déclaration de soupçon.
Pénalités pour non-conformité
Des sanctions pénales peuvent être imposées si le réviseur d’entreprises contrevient à ses obligations professionnelles notamment en matière de déclaration des opérations suspectes. Le montant des sanctions pénales est fixé dans la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT.
g) Existe-t-il des exceptions à l’obligation d’informer la CRF ?
Dans le cadre de ses activités professionnelles, le réviseur d’entreprises peut être amené à assister un avocat agissant dans le cadre d’une mission judiciaire ou à effectuer une mission d'expertise judiciaire.
Dans le cadre d’une mission d’expertise judiciaire, le réviseur d’entreprises est dispensé de ses obligations de vigilance à l’égard du « client » visé par l’expertise judiciaire dans la mesure où dans le cadre de cette expertise judiciaire, le réviseur d’entreprises ne tombe pas dans le champ d’application de l’article 3 paragraphe 1er de la loi modifiée du 12 novembre 2004 relative à la LBC/FT. Cependant, l’obligation d’informer la CRF d’un soupçon d’un blanchiment, d’une infraction sous-jacente associée ou d’un financement du terrorisme, découvert au cours de l’expertise judiciaire, reste d’application.
Pour l’assistance à un avocat dans le cadre d’une mission judiciaire, l’obligation d’informer la CRF ne s’applique pas au réviseur d’entreprises pour ce qui concerne les informations reçues du client de l’avocat ou obtenues sur ce client, lors de l’évaluation de sa situation juridique ou dans l’exercice de la mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure.
Le soupçon de blanchiment ou de financement du terrorisme peut naître en raison de la personne concernée, de son évolution, de l’origine de ses avoirs, de la nature, de la finalité ou des modalités de l’opération. Il n’y a aucun seuil monétaire minimal pour la déclaration d’une opération suspecte.
Plusieurs facteurs peuvent entrer en ligne de compte, lesquels peuvent sembler sans importance s’ils sont pris individuellement, mais peuvent semer un doute s’ils sont combinés.
Une bonne pratique pour reconnaître une opération suspecte consiste à s’appuyer sur des indicateurs susceptibles de révéler un éventuel blanchiment ou financement du terrorisme.
Des exemples d’indicateurs sont disponibles sur différentes sources. Il est conseillé au réviseur d’entreprises d’en prendre connaissance, afin de mettre en place des procédures internes et des contrôles efficaces et pertinents en matière LBC/FT dans le cadre de ses activités, mais aussi en vue de former ses collaborateurs aux risques auxquels le cabinet est exposé.
Une liste non exhaustive de ces sources est la suivante :
a) Le site de la CRF sur lequel sont notamment disponibles :
- les lignes directrices de la CRF et notamment (1) les lignes directrices relative à la déclaration d’opérations suspectes qui donnent des exemples d’indicateurs liés à la personne du client, à une opération ou transaction et au comportement / profil du client et (2) les lignes directrices sur les infractions primaires fiscales qui reprennent la circulaire CSSF 17/650, telle que modifiée par la circulaire CSSF 20/744
- le rapport annuel de la CRF qui donne des statistiques et des informations sur les déclarations reçues ainsi que sur la coopération nationale et internationale
- d’autres informations / liens utiles en relation avec les indicateurs de blanchiment, prolifération et corruption
Pour plus de détails, il convient de se référer au site de la CRF.
Il est à noter que le site de la CRF donne également un certain nombre de liens utiles pour les professionnels, comme le site de Europol.
b) Les évaluations disponibles sur le site du Ministère de la Justice
A titre d’exemple, il convient de citer les rapports suivants :
- Evaluation nationale des risques
- Sensibilisation du secteur associatif aux risques de financement du terrorisme
c) Le site du Ministère des Finances
Ce site apporte en particulier des informations concernant les sanctions financières internationales.
d) Les différentes circulaires de la CSSF et notamment :
- La circulaire CSSF 17/650 relative aux infractions fiscales primaires complétée par la circulaire 20/744
- Les circulaires CSSF reprenant les listes de pays à haut risque
- La circulaire 19/732 qui donne des clarifications sur l’identification et la vérification des bénéficiaires effectifs
e) Les différentes publications du GAFI /Egmont group
Pour plus de détails, il convient de se référer à la page "GAFI" du site de l'IRE et au site du GAFI.